Ton destin

Ton destin

Ouvre ce livre étrange appelé destinée :

Il commence toujours par tes jeunes années.

C’est le canevas interactif de ta vie,

Futur roman que tu n’as pas encore écrit.

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Regarde et noircis ces jolies pages blanches

Sur lesquelles, chaque jour, chaque nuit, tu planches.

Ces feuillets vierges n’attendent que ton histoire ;

Point de recettes, ce n’est pas un grimoire.

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De ton destin, tu n’es ni captif ni otage,

Mais de ton existence tu en as le dessein.

Aucune esquisse, ton avenir t’appartient.

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C’est ainsi que, jour après jour, page après page,

Tu en es l’auteur, le copiste et le héros.

De tous ces acteurs, tu deviens l’alter ego.

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Qu’il soit heureux, triste ou tragique, ton destin,

Ce n’est que lorsque tu écriras le mot fin,

Et que, las, tu en signeras les dialogues,

Que tes lecteurs pourront en écrire l’épilogue.

Guy E – janvier 2021

Étoile filante

Étoile filante

Je t’ai vue cette nuit-là, faiseuse de vœux,

Dans le ciel étoilé parmi tes semblables ;

Filante, tu étais bien la seule remarquable.

En cette soirée d’été, long trait lumineux,

Quel chemin divin désirais-tu nous montrer ?

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Nous étions l’un vers l’autre, pas encore enlacés,

Mais nos sens en émoi, des étoiles dans les yeux,

Timides et gênés, nous avons fait un vœu.

Nous avons fait le même vœu en cette soirée,

Silencieux, nous ne l’avons pas partagé.

Par Cupidon décochée, cette flèche acérée

Devant l’astre lunaire, sans se tromper est passée.

Vénus ne devait pas être loin pour cela !

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Je me souviens de la pleine lune ce soir-là :

En sa forme, je ne voyais qu’un cœur palpitant.

Cette étoile, diamant d’un soir, est passée devant ;

Ce fut déjà pour moi une constellation.

Alors, je fus ébloui par ce tourbillon :

Notre vœu se dévoilait, nous étions heureux,

Sous la voute éthérée, nous étions amoureux.

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Guy E – janvier 2021

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Crépuscule

Crépuscule

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J’aime ce moment indécis et déconcertant,

Quand le temps fuyant se dissout pour cet instant 

Où les créatures du jour se colorent en gris 

Et ainsi se fondent avec celles de la nuit.

La clarté rassurante du jour s’effondre. 

Il n’y a plus d’ombres, il n’y plus que des ombres.

Les couleurs bleuissent, les nuances s’emmêlent,

La lune se drape dans un halo de dentelles.

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Le sentier s’estompe ; j’hésite entre deux mondes.                                                                 

La forêt s’embrume et devient plus profonde.

Ma vision se trouble, je suis un clandestin.

Les arbres me tendent les bras, me montrent le chemin.

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Avant que la chouette et le hibou se saluent,

A l’approche des ténèbres, les oiseaux se sont tus.

Je goûte autant que je crains cet instant éphémère 

Où cet étrange silence s’impose sur la lumière.

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Mes sentiments affluent, mes craintes resurgissent

De mon âme d’enfant, souvenance ou malice,

Qui exhume ses démons et ses loups-garous.

Le soir tombe, je vagabonde entre chien et loup.

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Guy E – janvier 2021

Le geai

Le geai

À l’heure où les fontaines se figent 

Et que la branche du hêtre craque,

Blessure amère que le froid inflige

Soufflée par une brise démoniaque,

La neige recouvre les chemins du val.

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Mes pas tracent la marque de mon passage.

Simple impression dans ce monde virginal.

Je marche avec moi-même, mon esprit voyage…

Un cri strident retentit, me fait sursauter !

Sentinelle furtive ou apparition soudaine ?

Entre les branches du chêne se cache un geai :

Qui donc a osé pénétrer dans son domaine ?

Son écho résonne encore d’arbre en arbre.

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La forêt se tait, la forêt est prévenue.

Toute vie est suspendue, plus de palabre.

Suis-je une menace, suis-je le bienvenu ?

Que crains-tu gentil geai du fond de ta futaie ?

Serais-je un intrus, ou un voleur de glands ? 

Méfiant, tu restes à proximité de ta haie

Alors que je reprends lentement mon errance.

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Je remarque dans la neige brillante ce saphir bleu,

Que je garderai bien serré au creux de ma main. 

Patiemment ciselée, cette jolie plume bleue

Assurément réchauffera mon cœur chagrin.

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Guy E – Janvier 2021

Infini

Infini

Infini le désert qui s’enfuit à l’horizon,

Poussé par ce vent, véritable poison

Transportant l’espoir d’un peuple nomade.

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Infinie cette banquise, désert glacé

Qui glisse vers un océan agité,

Dernier refuge d’un monde sauvage.

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Infini l’océan qui s’écoule vers le lointain,

Emmenant avec lui la vie de ce marin.

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Infini le chagrin de l’épouse qui chaque matin

Espère en son sein le retour de son marin.

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Infinis son ennui et sa solitude intense

Quand elle mesure le vide de son absence.

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Infini ce temps, enfermé dans ce sablier

Qui lentement égrène les secondes sans l’oublier.

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Infinie cette profonde nuit étoilée

Comptant plus d’astres qu’elle ne peut imaginer.

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Infini le calice de cette fleur qui contient

Tous ces grains, espoir d’une vie sans fin.

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Infinis ses pensées et ses rêves

Qui transcendent chacune de ses aspirations.

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Infini son amour perdu qui à chaque respiration

Surpasse sa vaine passion.

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Infinie sa joie au retour de son bien aimé.

Guy E – janvier 2021

La croisée des chemins

La croisée des chemins

A chaque étape de ma vie, 

Toujours le même dilemme.

A cette croisée des chemins, 

Toujours ce même problème.

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Choisir, se révolter, s’adapter.

Je sais le sacrifice de la sélection…

Et si le choix n’était qu’illusion ? 

La décision ne serait que tentation.

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De par cette apparente liberté,

Je sens en moi l’angoisse monter.

Cette attente qui m’appartient,

Tourmenté, je ne peux la partager…

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Alors ma conscience se trouble,

J’erre dans le dédale de ma mémoire

À la recherche de mon histoire.

Mon acte, en toute conscience,

Sera-t-il suffisamment efficient ?

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Ainsi, je me tourne vers ton regard

Où assurément j’ai lu, à maints égards,

L’espoir d’un chemin, d’un rempart,

Qui grâce à toi ne doit rien au hasard.

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Guy E  – Janvier 2021

La revanche du pangolin

La revanche du pangolin

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C’était loin, c’était en Chine, c’était avant,

C’était il y a un an, nous étions insouciants.

Le printemps approchait. La nature s’éveillait.

Le Pangolin mourait, le pangolin se vengeait.

Sa dernière volonté dans son testament :

Léguer à l’humanité généreusement

Cet intrus couronné qui devait nous changer,

Chambarder notre vie, sans avertissement. 

Dès lors, contre toute attente, aussi aisément

Sans visa, il traversait en hâte nos frontières.

Nous ne connaissions pas son âme meurtrière.

Aucune résistance pour repousser son avancée.

Cet envahisseur s’immisçait dans nos foyers.

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Notre armée impuissante se trouva désarmée

Face à cette nouvelle invasion sans armée.

Ultime recours après maintes hésitations,

Le confinement en fut la seule solution :

Total, là où chacun restait sur ses arrières,

Puis partiel, appuyé par des gestes barrières.

Chacun faisait au mieux, plus besoin de casque ;

Quelques humains sceptiques exhibaient leur masque, 

Combattant avec courage contre ce minus

Qu’il fallut bien renommer coronavirus.

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Une contrattaque après une première victoire,

L’issue du combat difficile à concevoir

Nous contraignit, dernière stratégie,

Pour ne plus devoir réglementer nos sorties,

A vivre plein d’espoir, combattre ce mutin,

Se résigner, nous replier sur un vaccin.

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Guy E – janvier 2021

l’acrobate

L’acrobate

Je t’ai vu ce matin, acrobate de l’extrême,

Te balancer dans ce rayon de lumière. 

Funambule, tu défiais la pesanteur.

Te prenais-tu alors pour un oiseau 

Pour ainsi voler de branche en branche ?

Puis, tu descendais dans la clairière ;

En tous sens, tu courais sur la mousse,

Affairé, à la recherche de ton butin.

Était-ce un jeu, cette course éperdue ?

Où as-tu mis tes Louis d’or, bel écureuil ?

Cachés dans une souche à l’automne ?

Tel Barbe Noire, aurais-tu dessiné 

La carte du trésor sur cette feuille de chêne,

Sous le regard complice de l’hiver à venir ?

Espiègle, le vent mutin s’est levé. 

Farceur, le vent moqueur a soufflé

Et la feuille infidèle s’est envolée. 

Plus de témoin, plus de mémoire. 

A qui vas-tu adresser ta requête ?

Oseras-tu nous mendier quelques noix ?

Guy E – janvier 2021

J’ai demandé

J’ai demandé

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J’ai demandé timidement à la fauvette  

Qui de sa voix enchanteresse et fluette  

Chante éperdument la vie et la gaité 

Sur chacun des arbres du verger,

Dis-moi bel oiseau, où est le bonheur ?

La fauvette m’a regardé étonnée,

S’est remise à chanter et s’est envolée.

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J’ai demandé au merle de mon jardin

Qui siffle dans les allées dès le matin 

Et dans les haies renouvelle ses prouesses,

Mélodie joyeuse et pleine de sagesse,

Dis-moi bel oiseau, où est le bonheur ?

Le merle m’a regardé étonné,

S’est remis à chanter et s’est envolé.

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Alors, j’ai demandé au perroquet de la volière

Qui dansait tristement derrière sa barrière,

Dis-moi mon bel ara, où est le bonheur ? 

L’oiseau prisonnier m’a regardé étonné,

S’est remis à danser et a répété :

Où est le bonheur ? où est le bonheur ?

J’ai compris alors que le bonheur n’était pas là,

Le bonheur était en moi.

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Guy E – janvier 2021

Le Pic épeiche

Le pic épeiche

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Oiseau à damier

Tu joues sur l’échiquier.

Ton bec poignard

N’a aucun égard.

Oiseau à calotte,

Aussi rouge que ta culotte,

Quelle que soit la saison, 

Tu lances ta chanson.

Tu visites les troncs 

Au son de ton klaxon

Ombre insolite,

Tu as le rythme

Dans les plumes.

Tu tapes ton enclume,

Comme de coutume,

Cela fait ta fortune.

Tu danses et tu rapes.

Alors tu tapes, tapes, tapes,

Jusqu’au bout du jour.

Tout en haut de ta tour,

Tu joues de ta musique

Et tu piques, piques, piques,

Dès la fin de la nuit.

Et tout cela me réjouit.

Guy E – janvier 2021

La rivière

La rivière

Un doux murmure parvient à mes oreilles.

La rivière paresseuse se languit au soleil,

Serpent fatigué se mouvant dans la vallée.

Une brise frivole, trouble du ciel le reflet.

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Quelques rides légères, larges zébrures d’argent,

Effacent les reflets vacillants d’un saule blanc.

L’onde calme et limpide s’écoule sans menace,

Quelques branches crochues en griffent la surface.

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Blessés par la dernière colère du vent,

Des aulnes penchent et pleurent des larmes de sang.

L’unique arche d’un petit pont de pierre 

Enlacé par cette liane, guirlande de lierre,

Enjambe d’un seul pas l’onde mystérieuse.

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Le courant s’agite alors, à son approche rocailleuse.

Silencieusement, j’avance près du parapet.

Une truite file vers la berge, je suis suspect.

Indifférente, la rivière me renvoie mon image.

Alors, je regarde le temps qui me dévisage.

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Guy E – janvier

Parcours de vie

Parcours de vie

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J’ai marché pas à pas,

Pour un meilleur résultat.

J’ai cueilli fleur après fleur,

À la recherche du bonheur.

J’ai cherché la lumière

Pour que s’écrive ma prière.

Minute après minute, 

J’ai livré quelques luttes.

Chemin après chemin,

J’ai choisi mon destin.

Page après page,

J’ai dessiné mon image.

Désir après désir, 

J’ai assouvi mes envies.

Chagrin après chagrin,

J’ai récolté quelques grains.

Pluie après pluie,

J’ai lavé mes ennuis.

Cantate après cantate,

J’ai composé ma sonate.

C’est ainsi que défi après défi,

J’ai construit ma vie.

Guy E – janvier 2021

Danse la vie

Danse la vie

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Notre vie est une valse,

Une valse à trois temps 

Qui sont omniprésents.

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Temps passé, photos classées ;

Toujours aussi présents, 

Sont les souvenirs du passé.

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Temps présent, il est toujours temps,

Le temps de vivre au présent,

Et déjà c’est notre passé.

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Temps futur, que d’incertitudes,

Notre présent repose sur cette certitude:

Vivre en espérant le futur.

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Alors chaque jour créons le futur,

Alors chaque jour chantons le présent.

Alors dansons sans nous retourner.

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Guy E – Janvier 2021

Nuit d’orage

Nuit d’orage

Alors que le jour s’achève sur les gazons,

Quelques éclairs électriques zèbrent l’horizon.

Changement de décor pour l’auditoire,

Les prés et forêts, théâtre du soir, 

S’illuminent d’une lumière irréelle,

Prélude à la soirée qui nous appelle.

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Déjà comme une répétition du mouvement,

Les acteurs préparent leurs instruments.

Jeu de lumière, la plaine est une scène.

Ainsi résonne une complainte lointaine.

L’orchestre débute enfin sa symphonie

Et lance cette lancinante litanie.

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Interprétation des premiers tambours :

Prélude de l’angoisse qui monte alentour

Et soudain se rapproche, et nous entoure.

Souffle des vents sur les chemins du bourg.  

En duo jouent la flûte et le hautbois, 

Les cors et trompettes donnent de la voix, 

Les tam-tams et timbales battent et grondent.

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En rythme, des vents puissants répondent.

Un frappement de cymbales retentit,

Alors que le roulement de tambours 

Se perpétue longuement dans les faubourgs.

Le public averti s’abrite, se terre.

L’air s’embrase à coup de tonnerre.

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De lourds nuages ont effacé la lune

Qui pleure un déluge sur son infortune.

Les gouttes d’eau jouent des maracas sur le toit.

L’eau ruisselle dans la rigole qui se noie.

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La grosse caisse redouble en cadence,

S’apaise, reprend, enfin tire sa révérence.

Derrière la colline, les vents se retirent.

Dans le village, les hommes respirent.

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Guy E – janvier 2021

Trinité

Trinité

Toute mon âme, mon corps et ma conscience,

Trinité non divine, esprit de mon essence,

Je parcours mon monde, recherche spirituelle

Souvent étriqué dans cette enveloppe charnelle.`

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Je laisse mes sens s’échapper de cette cage,

J’imagine l’éternité d’un autre âge.

J’entends la musique céleste, âme du violon,

J’écoute ce que l’univers inspire à ma raison.

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Je regarde l’infini au-delà de l’horizon,

Où il n’y a ni tempête ni saisons.

À la recherche de l’au-delà et de l’éternité,

Je ne vois de l’existence que I‘immensité,

Nulle trahison, mais nul esprit divin ;

Souvent et partout je t’ai cherché en vain.

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Mon âme se perd près des rives du néant.

Mon corps se fracasse sur les récifs du temps.

Ma conscience me ramène au bord de la raison.

De l’incertitude, j’en ai gouté le poison.

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Dans les geôles du temps, l’espace est mon domaine.

Nulle part, je vois Dieu et ses lois souveraines.

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L’origine de la vie est ailleurs en l’univers.

Où il n’y a ni sanctuaire ni frontière.

Alors, mon devenir se dilue dans le temps,

Comme une goutte d’eau versée dans l’océan.

Je préssens l’ombre de l’essence de l’humanité    

Sans esprit divin, sacrilège envers les divinités.

La nature, fruit du créateur, contrarie mes sens.

Je mesure les champs du possible, fruits de mon intelligence.

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Alors, je ne vois qu’un abîme sans lumière,

En son sein, une oubliette sans prière.

Guy E – janvier 2021